Pour expliquer nos choix, nos orientations, nos attentes, nous n’avons aucune envie de parler technologie ou gamme.
De certains concepteurs nous ne retenons que quelques références car tout n'est pas absolument excellent dans l'éventail proposé alors que, chez d'autres, nous sentons qu'il y a un esprit créateur patent, une constante, un ou des hommes qui écoutent attentivement ce qu'ils conçoivent avec l'exigence ostensible de privilégier la musique de préférence au seul beau son appartenant plus à l'appareil qu'à la réalité.
Oui, nous sommes d’accord, en théorie semblable déontologie implique tous ceux qui œuvrent à la haute-fidélité.
Mais tous les professionnels s'accordent à clamer en chœur qu'il en va tout autrement en pratique, n'est-ce pas ? Sinon pourquoi y aurait-il autant de nouveautés chaque mois ?
Alors nous priverions-nous de clamer haut et fort qu'il y a dans la haute-fidélité si peu d'exactitude humaine ?
Il apparaît de plus en plus clairement que cette vérité expressive que nous cherchons comme un Graal emprunte des voies moins fréquentées, ces petits sentiers parallèles qui recèlent le charme secret de nos forêts, ou ces venelles discrètes qui permettent au curieux de visiter une autre Venise, révélant ô combien de trésors cachés, de mystères, et dont les pans obscurs nuancent une beauté trop ostentatoire, trop évidente, trop policée…
Quant à la technologie, le seul aspect que nous observons avec attention, c'est la potentielle pérennité des produits dans l'espoir d'offrir une fidélité au moins aussi longue que haute !
Par conséquent, ce lieu n'abreuvera guère votre soif de connaissances chiffrées ni n'égayera vos yeux de merveilles briquées, considérant que les revues ou les sites Internet des marques sont des mines bien plus précises que notre éventuel verbiage pour vous fournir les pépites techniques dont vous êtes peut-être friands ( à condition que vous fassiez le tri des erreurs aussi fréquentes que gaguesques, mais bon, ce n'est pas bien grave : rien ne laisse augurer ni ne remplace l'écoute… )
haute fidélité alternative
Ah, j'y pense : on nous prétend "tubistes" ou "lampistes", avec le léger accent de sarcasme qui, accompagnant généralement ces expressions, dénoncerait une pseudo appartenance à un club encagé dans la nostalgie poussiéreuse du "older is beautiful" ; dans le même ordre de la simplification on nous présente aussi comme accro inconditionnels du "haut rendement"…
" On " a tort !
Nous nous moquons de la technologie employée.
Indubitablement, nous avons jusqu'ici plus souvent trouvé notre compte d'authenticité, de sensibilité et d'émotion par le tube.
Ah, c'est facile à dire !…
En effet ; mais il ne nous est pas non plus trop difficile de le prouver à toute personne qui ne craindra pas de faire confiance à ses oreilles et à sa réceptivité ; à ses sens.
A condition d’avoir opéré une sélection drastique dans le bourbier fétide des amplis à tubes !
Car, en tant qu'amoureux des tubes, nous regrettons de constater qu'on ne parle généralement du "son tube" que pour illustrer les défauts de la trop large majorité d'entre eux : colorations marquées, justesse floue, transparence discutable, dynamique étriquée, répétitive et sirupeuse, mauvaise tenue du grave, pneumatique, mollesse poisseuse et tendance un peu systématique à une douceur bedonnante !
Là où beaucoup réclament la chaleur du tube, nous préférons exiger l'humanité des rares bons appareils à tubes du marché, ce qui est très différent, la chaleur de certains appareils, si séduisante au début, pouvant devenir étouffante à la longue, là où l'humanité transmise par les exceptionnels bons est sans cesse changeante, en renouvellement, en variations… Et ne parlons pas des amplis à tubes complexés du transistor qui à l’arrivée sont plus brutaux que leurs référents indirects, les gros totors qui poussent !
En effet, parce que nous aimons le tube, nous sommes les premiers à reconnaître que le monde des amplis à tubes est plein d'embûches et surtout garni de produits insuffisants voire honteux, y compris parmi les plus prestigieux, là où, somme toute, la moyenne des amplis à transistors est honorable.
Cependant, dès lors qu’on a trié les perles rares au milieu de la banalité ambiante, le tube révélera des émotions supérieures : oui un tube peut délivrer un message véloce, solide, impérieux, sans tonalité propre mais au contraire aussi chamarré et piqué qu'une photo sous les tropiques ou inspiré qu'un tableau de maître, une explosion de teintes, un bousculade de nuances, un florilège de variations, du rebond, de la volupté, du velouté, de l'articulation, et un sens de la modulation inimitable, bref l'ardeur du vivant, l'aménité de l'humain !
Bon, faisons court : apportez-nous un bel ampli à transistors qui respecte la ferveur d'une triode et nous prenons !
D'ailleurs nous en avons trouvé quelques-uns qui nous ravissent, il ne faut pas non plus caricaturer…
Ah, pour clore le chapitre "tube" : combien de fois nous a-t-on frileusement opposé la non pérennité des amplis à tubes…
Quelle blague ! Si en effet les tubes ont une durée de vie limitée, ça ne remet pas en cause l'immuabilité des appareils ! Bien au contraire, et à condition de ne pas oublier notre flèche sur la maigre proportion d'appareils à tubes réellement bien faits, un ampli à lampes est le plus souvent incroyablement solide. Moins de composants et de contraintes que dans le domaine du "totor" permettent de sélectionner plus rudement les éléments actifs. En outre les transformateurs de sortie protègent les appareils contre moult malencontreuses manœuvres.
L'usure des tubes alors ? Soit, il faut "retuber" de temps en temps. Mais, sur la plupart des appareils contemporains, retuber est à peu près de l'ordre du changement d'une ampoule électrique sur un lampadaire d'intérieur !
Les instruments que nous privilégions sont équipés de lampes produites de nos jours dans des usines modernes et donc facilement trouvables à des prix plus que raisonnables… Et compte tenu du nombre croissant d'amplis à tubes dans le monde, le risque de pénurie n'est pas pour demain…
Certaines de ces lampes modernes sont plus fiables que les anciennes et parfois meilleures que des prétendues références ( qui existent aussi, c’est indéniable ! ), contrairement à l'avis de nombreux sympathiques piquousés du tube qui, soit n'ont pas toujours intégré dans leurs tests le délai de rodage plus long des nouveaux tubes, lié à une fabrication plus rigoureuse, soit favorisent un enrobage enjôleur plutôt que la recherche de précision tout en transmutations…
Maintenant, si en sortant du magasin avec votre bel ampli à lampes tout neuf sous le bras vous avez envie de vous adonner à la joie du tweakage, pas de problème, nous pouvons même vous guider modestement !
Mais en aucune manière l'achat de tubes roulés sous l'aisselle et baignés dans du sang de vierge par nuit de pleine lune ne sera une condition de bon fonctionnement (sur un plan musical s'entend !) de votre trésor…
Durée approximative des tubes : nous disons souvent qu'un bon tube dure 30 h ( pépin de fabrication ! Ça arrive quelquefois, auquel cas on le change gratuitement ) ou 3 000 h avant de faiblir irrémédiablement. Compter un peu moins en pure classe A, nettement plus en classe B.
Des tubes plus spécifiques, type KR, sont donnés pour 25 000 h ! Même en comptant 15 000, ça donne quelques espaces de musique tout de même.
D'autant qu’il n'est nullement conseillé de laisser les appareils sous tension en permanence.
Un ampli à tubes atteint sa plénitude de fonctionnement en une poignée de minutes, là encore à l’encontre d’idées reçues récursives…
Le haut rendement maintenant.
Ah, la belle affaire !
Que ce soit clair : pour nous le haut rendement d'un strict point de vue des mesures n'a aucun intérêt : il n'y a pas un haut rendement mais des hauts rendements et là encore nous rejetons l'amalgame simpliste.
Le haut rendement n'est pas une fin en soi à notre sens et à nos sens. Il se trouve juste que les solutions techniques employées pour flirter avec le naturel ( réelle accélération sur les transitoires, vélocité qui permettra de profiter des plus infimes frissons habitant ou hantant les silences, les réverbérations anodines, les fins de notes subliminales, pouvoir résolvant qui octroiera l'expressivité foudroyante… ) conduisent à un rendement élevé.
Le haut rendement n'est pas la condition de départ mais la conséquence la plus fréquente d'une quête précise de quelques fondamentaux de la transcription et transposition indispensables à une restitution libre et plausible de la musique !
Avec de surcroît, sitôt que l'enceinte haut rendement présentera une charge simple, l'avantage de pouvoir jouir des qualités fabuleuses ( et insoupçonnables dans le monde majoritaire des enceintes traditionnelles ) des meilleures amplis triode sans contre-réaction : le plus bel équipage de chevaux tirant un cabriolet, si piaffants soient-ils, n'évoluera jamais avec la grâce, la liberté, la spontanéité d'un beau pur-sang dans la plaine…
Le haut rendement pseudo domestique qui, de la sono, garde le prosaïsme caricatural ne nous intéresse pas.
De même, le haut rendement - par ailleurs respectable - des amateurs de fer à souder, de tournevis ou d'oscillo, d'entassement de pavillons biscornus en plâtre ou staff, n'est pas davantage notre tasse de thé, commercialement parlant en tout cas ( mais nous aimons bien l'esprit… )
Pas plus que le haut rendement qui canarde une même note de porte-voix dans le haut du spectre - cas fréquent sur les larges-bandes - ni le haut rendement qui essouffle les amplis en prétendant raccorder harmonieusement un ou des gros HP traditionnels aux lourdes membranes avec des chambres de compression les clouant sur place d'une dizaine de dB, autrement dit qui espère faire tourner conjointement sur un même circuit un Dragster et un Solex !
Non : le haut-rendement n’est pas une obsession pour nous mais une porte ouverte parmi d’autres…