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Farewell John


3 juillet 2013

 

ONPL dirigé par John Axelrod pour son dernier concert au titre de Directeur Musical et, compte tenu de l’ambiance entre l’orchestre et le chef, possiblement son dernier tout court.


Programme Wagner (Richard) et Carl Orff.


Les mauvais esprits y verraient évidemment un programme célébrant une sale période de l’histoire mondiale et donc une évocation peu subtile des rapports tyranniques entre un orchestre et son chef, tout en se demandant qui est le tyran. Mais pas moi, ça n’est pas mon genre.

 


Chevauché des Walkyries pour commencer.

Tiens, curieux, on ne m’avait pas dit qu’il existait une version sans les hélicoptères et les vierges hystériques qui crient très fort !

Oui, d’accord, je suis taquin.

Bon, proposé comme ça, un peu abruptement, cet extrait bodybuildé d’un opéra majeur devient un peu une scie pas vraiment bouleversante (et qui donne un peu raison à Woody Allen*), mais la proposition de Mister John se tient, nerveuse, rapide, puissante, je regrette un peu que la pluie des violons équins manque des effets vertigineux qu’osent les plus grands, de même que les cordes au sens large soient encore submergées par les cuivres malgré un avantage numérique avéré. Rien de rédhibitoire.
Une page d’orchestre foisonnante jouée avec brillant et précision.


Ensuite la Mort d’Isolde, ou Yseut ou comme vous voulez.

Début absolument superbe ! Le tapis de cordes ronronne magnifiquement, la tension s’installe idéalement, les tenues longues et croisées parfaitement agencées et le premier très lent crescendo est délicatement maitrisé, l’unité de l’orchestre rassure, la beauté sonore enfin au rendez-vous, c’est majestueux, frémissant, émouvant !

Bon, ça se gâte un peu ensuite et quelques flottements au milieu de cette homélie admirable rappelle que nous sommes à Nantes face à l’ONPL.
Pas grave, Axelrod reprend la main très vite, la battue ( très élégante, y avais-je jamais fait attention ? Ah oui, il n'utilise plus la baguette ! ) resserre les rênes conduisant avec gravité vers la fin tragique, certes pas aussi somptueuse que la première ascension, qui nous renvoie quand même à cette douleur paradoxalement triomphante ( Tranfisguration ! ) d’une femme emblématique du sacrifice amoureux !

L’inexcusable sonnerie d’un portable vient hélas couper la note finissante qui aurait dû précéder un beau silence…

 

Puis arrive le gros morceau ( il y a encombrement sur la scène, entre un orchestre pléthorique, un chœur complet, un chœur d’enfant et 3 solistes ! )

 

Carmina Burana de Carl Orff, cantate scénique profane et gaillarde, polyphonie dans sa plus simple expression mais orchestration euh… flamboyante ?

 

John Axelrod comme souvent amorce le O Fortuna comme un Grand Prix, mais l’option se défend évidemment !

La mise en place est impeccable, le chœur tiendra pendant toute l’œuvre les promesses du début : somptueux, limpide, enjoué, engagé !

Les tempi rapides sont rapides. Les tempi lents sont… rapides ! Enfin pas vraiment mais, quand même, je regrette que les quelques passages assez élégants d’une œuvre plutôt éléphantesque manquent de nuances, de contrastes, mais bon, l’ensemble est solide, pas de fausse note, un maintien de la cadence sans faille ; à défaut du raffinement (vous me direz, sur Carmina Burana… Pour autant, Jochum Prévin, Shaw, Mehta l’ont réussi !) on a le spectacle et je suis un peu affligé de constater qu’il faut en arriver à une pochade difficile (Carmina Burana) et les adieux de John pour que l’orchestre donne l’impression d’être vraiment uni, en place, chatoyant et heureux !


Interventions remarquables de joie paillarde de Thomas Mohr, baryton truculent, plus dans la comédie que dans la justesse, cautionnées par les sourires que le ténor décoche sans compter aux foucades de son collègue !

Agustin Prunell-Friend, le ténor en question, est tout aussi engagé, détimbrant à loisir pour atteindre le fausset grivois écrit par Orff, c’est casse-gueule, mais très réussi.

Myrto Papatanasiu (dans l’ordre d’apparition), soprano, est moins souriante (et si belle), plus austère, mais délivre le travail avec sincérité, une voix ferme et animée, un aigu qui corne un peu dans les passages difficiles, balayée par une impressionnante tenue de note sans la moindre perte de densité en dépit d’un quasi murmure ! Stupéfiant !


Final puissant, qui, à l’image de tout ce qui a précédé, est porté avec panache, la cadence a été soignée de bout en bout, les balancements rythmiques irréprochables (c’est quand même un des points forts de John), et les élans fougueux quasiment jubilatoires !

Tonnerre d’applaudissements. Faut dire qu’avec une programmation de ce genre, il n’y avait pas beaucoup de risque, mais la démonstration a vraiment été éclatante.


On arrive alors au moment de vérité où, après les longues salutations d’usage, John, en communicateur formé aux Etats-Unis, tend le bouquet de fleurs à une enfant puis, décidé sans doute à donner une petite leçon à l’orchestre en imposant un record probable de durée d’applaudissements, histoire de dire que son public le regrette déjà ( et ça, on ne saura jamais… ), entreprend de serrer la main de chacun des musiciens !

Heureusement qu’il nous a épargné les choristes, on est vieux quand même, on fatigue vite.


Le geste de John Axelrod est un peu emphatique, certes, provocateur probablement, mais pour autant, si on est content de voir que certains musiciens sont émus de l’adieu, je tiens à dire à ceux qui ont boudé le geste, quels que soient vos griefs, quel que soit votre talent, que c’est aussi un affront au public, qui, dois-je le répéter, via ses tickets, abonnements et impôts, représente quand même votre gagne-pain !


*vous ne connaissez pas la citation de Woody Allen ?

Il y en a une autre, dont j’ai oublié l’auteur et qui dit en gros : l’orchestration de Wagner, c’est écraser une mouche avec un rocher.

Je ne suis pas d’accord ! Mais alors pas du tout !

 



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