évolution

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Evolution




Petite digression au passage… Sans vouloir tirer des conclusions, même statistiques, on peut légitimement se demander si les appareils transmetteurs d’humanité, ceux que l’on aime, ceux que l’on défend, ceux que l’on revendique, ne pourraient pas résulter d’une vision jamais contrainte de l’objet, jamais limitée, jamais en posture, mais en perpétuelle évolution, en perpétuelle révolution.


Ne constate-t-on pas, à force de comparaisons, que tous les produits très figés, très inertes, sur leur quant à soi, souvent magnifiques technologiquement, souvent d’apparence nettement plus sérieuse que la moyenne, très bien réalisés, industriels dans leur apparence, dans leur conception, dans leur sérieux, nés de grandes marques, mais aussi de marques revendiquant une technologie de science-fiction à côté de laquelle un IRM fait figure de pointe en silex, sont aussi les plus platouilles à l’écoute, les plus inodores, les plus insipides, les plus politiquement corrects du marché… Les plus nombreux aussi, certes. Oui, et alors ? Le film « Les Visiteurs » de Jean-Marie Poiré (1993) a cumulé près de 14 millions d’entrées, « Tár », de Todd Field (2023) a atteint péniblement 330 000 dans l’Hexagone (pas si mal, cela dit). Doit-on conclure que « Les Visiteurs » est un chef-d’œuvre artistique et « Tár » un film banal ?  

Oh, je suppose que certains le penseront.  Pas grave.

Quoi qu’il en soit, une réalité statistique ne ratifie pas une grandeur artistique, sachant que je considère, contrairement à André Malraux, que le cinéma est « avant tout » une industrie. Lui disait : « aussi… »

Et je ne fustige certainement pas le genre « comédie comique ». Dans ce noble domaine, de nombreuses perles ont prouvé que ce n’est en rien un sous-genre.

Pour en revenir à la haute-fidélité, le résultat de la pensée faussement technologique ou honteusement ésotériques - divergences aussi subtiles qu’un interrupteur et sans considération de prix -, est, indirectement, que les références sont constamment et trop fréquemment remplacées par de nouvelles qui donnent l'impression que la génération précédente, tout bien considéré, n'était pas terrible…


Alors que les objets qui ont quelque chose à dire, qui racontent une histoire, qui dégagent une odeur, revendiquent une saveur, expriment une vision, s’adressent au cœur - précisément en laissant la musique exulter -, ne sont jamais arrêtés, jamais finis, jamais absolus, jamais définitivement sûrs d’eux-mêmes !
Toujours sur le fil du rasoir, fragiles - au sens d’exposés à une incertitude permanente, une remise en question de chaque instant -, toujours évolutifs, toujours en mouvement, mais sans être pour autant destinés au sacrifice de la mode, à l'obligation d'un référencement systématiquement autre…

 

C'est sans doute pourquoi certains constructeurs maintiennent des références chères à leur cœur pendant très longtemps au catalogue : une petite retouche de temps, en temps, un léger détail amélioré, mais la base est saine, délivre l'essentiel, offre les fondamentaux, et mérite qu'on s'y attarde, qu'on peaufine, qu’on révise, qu'on doute, comme de nombreuses œuvres musicales ont été révisées sans fin par leur compositeur…


Un ami, éditeur littéraire, m'expliquait un jour, à propos du beau livre d’un écrivain condamné à l’anonymat parce que n’appartenant pas au sérail, un texte très difficile, impubliable, trop abscons, labyrinthique, trop improbable dans la moyenne actuelle :

  • « Il y a deux types d’écrivains. Ceux qui savent. Et ceux qui cherchent. Ceux qui savent m’ennuient. Au mieux, ils sont brillants ; or, l’être brillant ramène tout sujet vers le domaine dans lequel il brille, mais toujours à côté de ce qu’il croit savoir ; ceux qui cherchent, ceux qui explorent, ceux qui doutent, ceux-là, oui, peuvent parfois être de grands créateurs, de grands écrivains, de grands hommes… »

Cet homme, éditeur un peu isolé dans sa loyauté, est décédé depuis… C’était un grand homme. Je n'ai jamais eu l’opportunité de lui dire merci.

Ou jamais su… Et pourtant, indirectement, certains beaux projets n’auraient jamais existé sans lui…


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