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Moutin Factory Quintet


novembre 2013

 


MOUTIN FACTORY QUINTET

Lucky People

Plus Loin Music



Par Pierre-Yves DB




Deux : c’est déjà géométrique et les jumeaux MOUTIN, François (contrebasse) comme Louis (batterie), scientifiques de formation, sont des experts reconnus dans l’art de se situer l’un l’autre par rapport à tout objet musical, de préférence coloré et percussif.

L’objet en question ici prend la forme d’un pentagone qui tenterait tantôt de circonscrire un cercle, tantôt de venir s’y nicher en prenant toutes les tangentes possibles et imaginables, au gré des envies ou des impulsions.

La « rythmique des frères », ainsi qualifiée par le milieu interlope du jazz hexagonal, s’est donc adjointe trois partenaires : Manu Codjia (guitare), Thomas Enhco (piano), Christophe Monniot (saxes alto et sopranino), aptes à tracer de nouvelles figures, à dilater l’espace-temps sans trop bousculer la perspective d’ensemble.

Sous cet angle, la greffe semble avoir bien pris.

Le carburant thématique est totalement fourni par Louis et François mais, rassurez-vous, les trois autres comparses ne se privent pas d’y faire infuser leurs décoctions personnelles, histoire d’en enrichir encore la teneur.

D’ailleurs, pas de « compositions » au sens convenu du terme. Plutôt des motifs relativement sobres, épurés, sans doute plus facilement malléables. Parti pris assumé d’une expression parfaitement libérée mais centrée sur le collectif car constamment ouverte à tous dialogues/interventions.

La Fabrique Moutin ne fonctionne pas sous le signe de l’ego, pas davantage sur un mode improbable du genre « François, Louis et les autres ». Elle est la somme de 5 voix égales dans des registres singuliers.   

Que dire maintenant d’une 1ère production tout juste sortie d’atelier ?

Surtout pas d’exégèse censée calibrer au millimètre 10 propositions mutantes et fluctuantes par définition, s’adressant autant à notre part sensorielle qu’à l’imagination. J’en suis incapable...

D’abord qu’une constante sans variable sous-tend toute l’écoute : aucune surexposition des idées (serait-ce l’héritage de Monk ?)

Ensuite, qu’il vaut mieux peut-être, dans ce genre d’exercice, m’en tenir à des impressions même fugaces, bribes de mémoire évadées un moment, quitte à les livrer pêle-mêle. Les titres indiqués ne sont à prendre que comme des repères, un fil d’Ariane en quelque sorte :

-    Saxe alto sinusoïdal, méandres aquatiques hésitant entre furie et douceur, guitare rêveuse… (lucky people)

-    Pas de danse de la basse, subtils unissons piano/basse puis saxe sopranino/guitare, cymbales superbes ouvertes aux arabesques d’un piano lumineux contrastant les étirements d’une guitare habitée, saxe en vol libre… (dragonfly)


-    Chanson du souffle, tendresse d’un piano tout en retenue coloriée par une basse qui s’émancipe au fur et à mesure… (soul)

-    Citations pleines d’humour sur fond de groove, en ping-pong, tomorrow is the question ?... (ornette’s medley)

-    Climats aventureux, inquiétude, incertitude fiévreuse, tension permanente, guitare écorchée, walking bass comme un retour vers le be-bop… (relativity) peut-être le titre le plus riche en variations/séquences

-    Superbe intro du piano, un poil mélancolique, lever du gris sur un ciel d’intervalles… (forgiveness)

-    Basse à la Jaco Pastorius, joli clin d’œil à Weather Report, ombre de Wayne et de Joe… quand tu nous tiens !… (busy day)

-    Miroirs amusés et double regard sur un jazz « old school », jeux d’aller-retour en mouvement perpétuel. Pourquoi Manu Codjia me fait-il penser à John Scofield? Le son, le phrasé?... (moving on)

-    Vraie alchimie du verbe électrique, utilisation archi pensée des effets (delay/volume), opération à vif de la note jusqu’à sa déstructuration, thème bâti comme un riff sur le déséquilibre entre contretemps et syncope, pulsation apaisée de l’instant sur un pas de glisse… (you’ll be fine)

-     Saxe colemanien, combat d’une mouette contre un big band… (conflict)  



Une conclusion ?

L’ouvrage est plus que séduisant, hypnotisant même par moments.
Manifestement, le pentagone a trouvé son centre de gravité dès sa 1ère sortie.

Un souhait ?

Que la fabrique Moutin ose encore davantage. Quand on sait le talent des musiciens qui la constituent, le risque n’est pas bien grand.

En tout cas, l’envie de les entendre en concert.


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