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ETE : sad and beautiful, par Pierre-Yves DB


Sad and Beautiful

 

 


Andy EMLER piano
Claude TCHAMITCHIAN contrebasse
Eric ECHAMPARD batterie

Label La Buissonne

Par Pierre-Yves dB

 

 


 

Sur la table, une page blanche, immaculée, vierge de toute cicatrice, ignorant les lignes et  leurs secrets…

Plus loin, mais pas trop, la boîte à mots où l’on pêche au hasard le tout venant qu’il faut, à force, triturer un peu pour l’adapter à ce qu’on a tiré de la boîte à songes posée juste à côté.

Comme par un fait exprès, certains mots retravaillés, reconstruits avec application, ont une propension malsaine à se carapater, à se replacer n’importe où, de préférence dans les coins les moins visibles, les plus sombres et ça provoque un sacré désordre.


A portée de main, la boîte à signes divers : guillemets, tirets, parenthèses, cédilles, accents graves et drôles, circonflexes, génuflexes, virgules, points virgules, points tillés, points tout court, doubles, triples, stratégiques, points d’exclamation, d’interrogation, d'opination du chef, de suspension, de chute, de vue, de côté, d’orgue, de ralliement, embonpoints, bons points, mauvais points, points à point, points à point nommé, contrepoints, pointsalaligne, pointsfinals…

Et encore, la boîte à citations dont il ne faut guère abuser sous peine d’avoir l’air plus crétin que cultivé.

Et encore encore, la boîte à locutions du genre « et cetera » que l’on utilise à tours de bras dans tous les contextes, que l’on met à toutes les sauces, indiscutablement devenue une propriété de langage très chère aux mass médias et présentant l’énorme intérêt de n’en avoir aucun.

Donc deux boîtes à éviter si possible.

 
PERNAMBOUQUE

Un lieu magique situé quelque part au-delà des îles. Petite terre circulaire en forme de dôme léger, sur laquelle se succèdent, dans sa partie la plus basse, le Bairro Triste et, dans sa partie plus élevée, le Bairro Belo. A ce qu’on dit, les habitants du quartier triste sont souvent joyeux et ceux du beau quartier quelquefois tristes. A ce qu’on dit, ce serait comme ça depuis toujours.  


Bercé par les alizés, c’est le pays où poussent les archets.

Curieusement, les archets les plus longs, pour violoncelle et contrebasse, ne prennent racine et croissent que dans le Bairro Triste (J’ai interrogé Monsieur Tourte sur cette bizarrerie sans avoir de réponse), alors que ceux pour violon et alto on les trouve dans les deux quartiers. Peut-être est-ce une affaire de climat, mais allez savoir…


Sur les hauts de Pernambouque, il y a un endroit dénommé « Elégances ». Un genre de kiosque ouvert à tous, où l’on peut converser, boire un coup, même faire de la musique en se projetant sur le bleu et le blanc du ciel.

Ce jour là, Andy, Claude et Eric se retrouvent pour échanger des impressions, des humeurs, des doutes et des rêves. Comme le premier est pianiste, le second contrebassiste et le troisième percussionniste, ce sont des voix de bois, de métal et de peaux qui s’enlacent, s’entremêlent, se fondent, portées par la chair et le crin.


D’abord l’archet s’aventure sur la corde longue, manière d’arlequin équilibriste le nez dans les nuages, un pas en avant et un pas en arrière, figure à ravir le public oublieux de la plainte. Tout se joue sur les écarts, les résonances natives, les transparences juste ébauchées.

Après, c’est comme si une petite pluie, assez douce au début, brumisait l’âme avant de se muer en cataractes tellement lourdes et denses qu’on pourrait presque les malaxer, les pétrir. Réflexe de jardinier instinctif ayant la tête ailleurs.

Clair-obscur sur fond d’octaves bruissantes, se déclinant en spirales volubiles, en accords métisses jusqu’au hurlement.

Retour de l’arlequin triste précisément là où l’archet hésite et finit par s’évanouir au cœur de ses myriades.


- Arlequin trismégiste, Apollinaris genetrix, à la fois père et mère des étoiles -

Quelques poses rythmiques, très étudiées, de gymnastes ou de danseurs en noir et blanc passant vite sur un vague paysage.
La beauté innée des gestes se vit en consonances, en échos qui perdurent au-delà du gris. Comptine susurrée, à peine osée.
Petite suite en valse esquissée, tendre et fragile dans sa superbe.
Le féminin s’inverse au masculin.  

Réminiscences du vol tranquille des oiseaux amoureux du large.
Discussion à bâtons rompus, rompue par l’archet/arlequin pourpre qui glisse et glisse…
Se relèvera-t-il ?
Paroxysme du frénétique fantasmé et affirmation des genres.
De toute façon, c’est une histoire faite de ruptures, de revirements, d’apaisements endormis, de plaies et de bosses.


Elégances asymétriques qui nous effleurent comme le parfum d’une femme, pourvoyeuses de chimères dans un décor de spleen.
Elégances passagères, illusoires, nous gravant dans l’esprit le désir de leur renaissance.
Elégances amères aussi, hantées par l’arlequin triste quand l’archet se fait instrument de la révolte des hommes.

A ce qu’on dit, à PERNAMBOUQUE ou ailleurs, le beau est parfois triste et le triste parfois très beau.

A ce qu’on dit, ce serait comme ça depuis toujours.           
 


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