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Carla Bley :Trios


novembre 2013
 

Carla BLEY, piano
Andy SHEPPARD, tenor and soprano saxophones
Steve SWALLOW, basse

Trios


chez ECM

par Pierre-Yves dB



Revoici la longue dame pas brune avec pour seul bagage un nouvel album, paru chez ECM (une première), reprenant cinq compositions/méditations nées de sa plume et sobrement intitulé «Trios».


L’affiche ne doit rien au hasard ou à un quelconque choix esthétique. Carla BLEY, Andy SHEPPARD, Steve SWALLOW …une association dont la longévité relève, sinon du prodige, du moins de l’étonnante capacité intuitive qu’a constamment chacun, en tant qu’être-musicien, à prolonger le geste créatif des deux autres. Il y a là plus que de la simple connivence.


Arrêt sur image : Une photo parue dans Jazz Magazine en septembre dernier montre Carla et Steve posant dos à dos (une habitude chez eux), un sourire malicieux aux lèvres… Jana, Janus veillent l’un sur l’autre, comme soudés par la somme et la force de leurs partages. 


Compagnons depuis presque toujours en musique et dans la vie, elle et il ont découvert en Andy l’alter ego idéal. Celui que l’on trouve presque sans avoir cherché, celui par qui la ligne devient triangle.


Ironie des nombres ? Trios désarticulés c’est aussi :

-    Trois lagons,
-    Trois mouvements,
-    Trois parties.


Utviklingssang, censée à l’origine (1980 ?) être une « protest song scandinave » de commande, se révèle une merveilleuse mélodie introduite par une basse typiquement swallowienne, où chaque note germe, s’étire et s’ouvre… (Coup d’oreille rapide à « duets » sorti en 1988. Le même charme ressuscite, 25 ans après). Tout y est mobile, lent défilé de couleurs ponctué de respirations retenues, pavane un peu dézinguée mais superbement élégante, errances contrôlées qui se retrouvent et se confondent…           


Vashkar, clin d’œil à Paul HAINES, le poète des mots d’«Escalator over the hill». Réminiscence amusée d’un moment indien.
Une sorte de raga orientaliste balbutié au dessus d’une voix de basse imperturbable, dérapages rythmiques contenus dans un miracle de cohésion.


Jazz par Henri MATISSE (titre du recueil éponyme constitué de 20 planches) ou « improvisation et vitalité ».

Lagon 1 (planche 17). Un masque de charleston mâtiné de middle jazz laissant par endroits transparaître une dissonance pourpre ou indigo, ou bleue, comme on voudra…   
 
Lagon 2 (planche 18). Soir s’invitant par une fenêtre ouverte sur l’émeraude fauve du soleil déclinant, corps alanguis dans le silence du vent léger…

(planche 19). Ritournelle à la SATIE qui se mue en comptine cuivrée, perdue entre les touches bluesy du piano de Carla.      

Wildlife (trois mouvements).

Thème en forme de point d’interrogation avec une pincée d’ELLINGTON (Horns), possession du grave par les pattes sans griffes de Steve (Paws without claws), laissant place à une danse toute en apesanteur, presque aérienne (Sex with birds).

The girl who cried champagne (trois parties).

Chanson brésilienne, décalée comme un motif de NASCIMENTO, jouée par une fille qui rit et puis qui pleure et puis qu’on console. Intermède sur la carte du tendre.   


L’impression d’ensemble c’est un sentiment d’accomplissement, de plénitude qui s’insinue, à l’insu de soi, hors de tout artifice, hors de tout effort.
Le non pareil qu’on attend chaque jour pourrait ressembler à ça.


Allez, dernier arrêt sur image :


Une main de femme dessinée par Jean COCTEAU, survolant le temps passant…


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