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Münich High-End 2017 chap 1


Que dire de cette édition 2017 de Munich ?

 

Contrairement à l’année dernière où j’avais décidé d’une visite exhaustive (hum, prétentieux, il faudrait 6 jours !) et patiente dans l’idée de comprendre pourquoi la doxa voue un culte à des produits que dans le meilleur des cas je trouve ennuyeux, sans vie et sans engagement, j’avais plutôt envie cette année de consolider des liens, avec l’espoir bien sûr d’être saisi de bonheur en poussant une porte au hasard.

Toutefois étant accompagnés d’un camarade dont c’était la première visite, nous avons quand même pris le temps de tâcheronner.

C’est édifiant de mesurer la déception du petit nouveau à l’arrivée : tant de vaniteuses propositions et si peu de satisfaction ou de rêve. Or, s’il est mélomane, il n’est pas du métier, aussi sa réception est-elle au premier degré.

Pour ne pas perdre du temps à émettre les mêmes réserves que les années précédentes, passons tout de suite aux confirmations ou découvertes.

Peu nombreuses, mais qui comptent.

Dans le désordre :

  • Nous avons commencé par les coréens fous (Silbatone)

Cette année, ils avaient apporté trois systèmes, dont le plus imposant, celui que nous avons écouté, est un équipement de sonorisation de cinéma des années 30 je pense, Western Electric Mirrophonic M2 incluant une partie basse équipée je suppose de 2 x 46 cm dans une amorce de pavillon replié, puis 2 chambres de compression chargées par un pavillon multicellulaire, le système évoque une des futurs versions des fameuses Voix du Théâtre Altec Lansing, et enfin un tweeter de leur cru.

Pas à la hauteur de l’an dernier, mais pourtant, une fois de plus, le maitre-étalon est bien ici. Il faut dire que la base du pavillon de grave surmontée (donc placé haut) d’un large pavillon cellulaire à double moteur faisait que le son nous passait un peu par-dessus la tête, le système étant prévu pour arroser loin dans des salles gigantesques.

Pourtant, cette inhabituelle réalité physique du violon d’Oïstrakh, palpable et matérialisée dans l’air, ces nuances de jeu inouïes accompagnées d’une présence aussi naturelle domine de plusieurs têtes la production mondiale actuelle dans sa quasi-totalité.

Une scène un peu gigantesque et pas très cohérente et des sonorités de fond de cône entachaient la perfection cependant.

  • Aussi, lorsque comme tous les ans nous irons sur le stand voisin, TAD, ce sera pour sourire du contraste…

Je fais remarquer à notre nouveau compagnon de route qu’on pourrait s’arrêter là : il a eu un aperçu de la dérive baroque de la hifi.

Une chianteuse de jazz (pour reprendre l’expression de notre ami Candide) tombée d’un arbre en Californie, balbutie son absence de phrasé mortuaire, ennui et vacuités confirmées par une abomination a-musicale qui au bout d’un moment de concentration (bon sang, je connais ce chanteur) apparait être Johnny Pas Très Cash sur son dernier album de reprise produit par Nick Rubin. L’œuvre d’un déchirement profond devient ici une déclamation d’outre-tombe. Ou comment passer à côté d’un chef-d’œuvre.

Evidemment, ce n’est pas nul, mais le contraste avec les coréens est cruel.

J’entends déjà les clameurs outrées des zélateurs sans doute nombreux qui s’opposeront en faux et rugiront que bien au contraire il s’agit là de la meilleure écoute du salon.

Tant pis.

Satisfaction au passage : nos amis d’Absolue Créations qui câblent cette salle depuis des années ont enfin droit à une reconnaissance officielle de la part du grand patron et les nouveaux kakemonos trônent à côté de ceux de la marque prestigieuse.

 

  • Salle Cessaro pas très loin, un bel ensemble à pavillons verts dans une noble pensée écologique (Gamma II ?), platine vinyle TW Raven Anniversary, je crois. Rien que pour les transducteurs on doit bien flirter avec les 300 000 €.

Belle démo. Pas à la hauteur des Coréens de Silbatone, soit, des cuivres un peu projetés et sifflants (faut dire qu’enchaîner deux disques de jazz bands des années cinquante, ça n’aide pas) et un swing en retrait mais c’est quand même une présentation de qualité, avec toujours cette même impression chez Cessaro que la mise en œuvre n’est pas achevée. Sans compter que sur des systèmes aussi pointus, on peut comprendre qu’il faut du temps pour que l’ensemble s’installe.

  • Dans un autre stand prestigieux que je ne citerai pas, je n’ai carrément pas reconnu Diana Krall, ou crawle, ou sombre, je ne sais plus, et, en dépit des affirmations de mes camarades, je ne suis toujours pas sûr.

Je ne désignerai pas la marque, par élégance, mais aussi parce que l’histoire se reproduira ailleurs, avec d’autres marques aussi glorieuses, où il me faudra plusieurs minutes pour reconnaître David Sylvian, un autre où j’hésiterai sur Elvis Presley (si si !!!! Le timbre était méconnaissable et le swing celui d’un poteau) ou encore un gigantesque Bireli Lagrene avec Ouitare qui me fera éclater de rire.

Ah oui, j’ai failli oublier : dans la salle d’une des marques les plus en vogue du moment, qui commence par M et finit par Ohhhh, un haut-parleur de l’enceinte gauche avait clairement pris un coup de chaud et talonnait, mais lorsque diverses personnes en ont fait la remarque à l’animateur, celui-ci s’est contenté de hausser les épaules en disant « mais non… ». Nos félicitations…                                                                                        

  • Belle présentation de Neodio, stand minimaliste (dans un des audis

préfabriqués pour ceux qui n’ont pas le privilège des salles surplombant les Atriums, difficiles à obtenir, et ce n’est pas une question d’argent semble-t-il) où l’œil est concentré sur l’essentiel, le lecteur CD Origine et l’intégré Origine.

Toutefois, la démo sur les enceintes Venture (70 000 € tout de même) me laisse un peu sur ma faim, quand bien même on devine le potentiel colossal des électroniques nationales.

C’est bien gentil les Venture mais, si elles s’affirment par une sorte de transparence homogène assez poussée, on n’en a pas moins affaire à une restitution hifi, sans âme, subissant même la redondance un peu ventrue d’un banal bass-reflex. Pas mauvais mais pas génial. Et sans âme. Donc si : mauvais.

  • Pour continuer chez les Français, présentation d’une énorme composition Metronome Technologie avec des enceintes que je ne connais pas.

Semblerait qu’elles soient de chez eux.

Bof…

  • Aries Cerat nous présentait un ensemble plutôt magique.

Même si j’ai du mal à m’y retrouver avec le nom de ces boîtes énormes, empilées façon exposition universelle de 1900 dans un tout petit module préfabriqué, où une des trois chaises est inutilisable tant la pièce est minuscule, surtout face à des enceintes trois voies à pavillons, certes de dimensions encore domestiques, magnifiquement fabriquées.

Belle écoute toutefois à condition de faire fi des contraintes, on devinait la délicatesse coutumière, le sens du phrasé, l’élégance de la proposition, sans doute un rien trop ample, opulente, mais si poétique à l’arrivée, une sensualité qui est vraiment une denrée rare sur le salon.

  • Présentation dans un même minuscule bocal d’une platine vinyle et d’une paire d’enceintes First Voice.

C’est français, c’est très bien fabriqué, c’est relié à un ensemble YBA par des câbles Absolue Creations.

Les enceintes ont fait l’objet d’un banc d’essai enthousiaste dans Haute-Fidélité. Chacune est composée de deux blocs (grave/médium d’un côté, tweeter de l’autre) posés sur des barres reliées à une structure mécanique lourde et complexe référencée au sol, le tout pesant une tonne.

La charge principale est un bass-reflex d’une quinzaine de litres (moins ?) autour d’un HP Atohm.

La grosse platine vinyle (cependant pas la plus volumineuse du marché et de loin) est travaillée autour de la même idée, là encore une magnifique construction et contrairement aux enceintes, la silhouette passe bien car la vision d’un lourd assemblage mécanique est dans les codes esthétiques de la profession.

Il se passe quelque chose, incontestablement, une sorte de transparence, de luminosité et de rapidité entachées toutefois d’une sensation d’artifice sur les notes élevées, possiblement due à la trop grande proximité  de la zone d’écoute, l’aigu étant distendu entre les deux HP.

C’est certes vif et lumineux, doté d’une résolution fine mais ni très rythmé, ni très organique, ni très éloquent, je m’ennuie vite à cette résolution photographique figée. Intéressant néanmoins.

La platine a du sens sans aucun doute. Pas envie de savoir le prix

  • Toujours dans une petite structure mobile, écoute d’un ensemble Charlin sur des Triangle, pas très équilibrée.

La mise en œuvre n’est pas à la hauteur, dommage car on a l’impression que les électroniques enferment un beau potentiel.

  • Dans un autre auditorium préfabriqué mais de dimensions plus grandes, un système YBA Genesis je crois (je ne suis pas spécialiste) et une paire d’enceintes Mulidine Cadence, nous est présenté par Yves-Bernard en personne qui fait une démonstration très convaincante, s’adressant aux visiteurs dans des langues très variées avec une belle aisance.

C’est typique de ces démos « modestes » - face aux monstres que nous avons écoutés ou allons écouter dans les étages supérieurs - qui offrent enfin des qualités émérites côté ressenti musical ou sensible.

Nous regrettons d’autant plus l’humilité de Mulidine en constatant l’intérêt porté par des visiteurs de tous les continents.

  • Sur le stand du distributeur allemand d’Atoll, par exemple, et sur des enceintes qui ne nous font pas rêver, il y a aura de beaux moments d’expressivité à condition d’oublier le grave un peu lourd des enceintes.

Comme quoi, une écoute de proximité dans un cadre intime, c’est bien aussi.

  • Jo Sound Horus, présentée avec un ampli français tout nouveau au nom alambiqué et assez difficilement mémorisable.

Toujours pas mal au milieu du marasme générale. Une proposition faite de joliesse et de finesse, mais jamais franchement enthousiasmante non plus. Belle définition générale, une forme de loquacité, mais où est le cœur, le noyau de la musique ?

Et puis cette évidence qu’on écoute un large-bande avec encore quelques coquetteries tonales des larges-bandes qui ici, contrairement à nos AVA ppfff de référence, ne sont pas totalement maîtrisées. C’est bien gentil de rire des Voxativ, mais côté richesse harmonique, il les enfonce presque tous.

  • Rapide passage qui fait rire ou qui déprime, c’est selon (la déprime sera pour notre ami Candide qui comprend ce que nous lui expliquons depuis que nous nous connaissons, à savoir le degré variable de médiocrité des marques légendaires qui font rêver sur le papier, la débauche de luxe inutile) dans les salles des grands parmi lesquels une présentation dont beaucoup diront le plus grand bien : Nagra sur des grandes Wilson Audio où certes il y a du timbre, une vraie beauté, une aristocratie indéniable, mais humainement rien, pas d’ardeur, pas d’implication, un aquarium trop éclairé.

Pas la pire du salon et de loin bien sûr, mais je suis sûr qu’on peut faire mieux avec ces enceintes.

  • Toujours une proposition imprégnée de classe chez Kondo et Kayser Kawero, servie par des oeuvres magnifiques (Milstein et Abbado sur la merveilleuse platine Kondo) mais pas totalement aboutie, des enceintes un rien trop lisses pour la richesse inouie des électroniques Kondo
  • Idem chez MBL, le gros système qui doit avoir pas loin de 15 ans, toujours impressionnant, une proposition vraiment intéressante. C'est moins vrai pour le petit système
  • Toujours une interrogation chez Audiodata. Ce n'est pas vraiment ça, mais... Il se passe quelque chose...
  • Migraine promise chez Avantgarde qui présente un système Trio avec 3 Basshorn réglés trop fort, et bastonne The Wall à des niveaux de pilonnage.

Sensation étrange toutefois que les attaques sont molles, probablement due aux électroniques.

Vient alors s’installer à son « set » de pads électroniques disposé devant les Trio un batteur de musique électro (israélien nous précise-t-il, qu’est-ce que ça peut nous faire ?)  qui pose le double problème qu’il est mauvais et qu’en outre on se demande ce que ça veut démontrer, si ce n’est renvoyer les AG vers la sono.

La qualité de fabrication cependant a encore grimpé d’un cran.

  • Déception chez Living Voice, qui présentait cette année la Palladian / Vox Basso, décidément pas au niveau de la Vox Olympian, normal me direz-vous, mais tout simplement pas au niveau….
  • Voxativ : rien à faire, on a beau être en colère contre eux, on a beau savoir qu’ils trichent la présentation dans le grave, on a beau dire que les prix des transducteurs frôlent le gag (les Haut-Parleurs installés dans l’enceinte en démo sont proposées à 49 890 € la paire, si ce sont bien les AC Xhb !), il se passe quelque chose d’absolument magique, d’une finesse incomparable, fragile, sensible, dans une large partie du haut du spectre qui nous arrache une larme. Enfin.
  • Autre déception : Stein Music,

Certes, Holger a pris le pari et le risque d’un gros stand tout seul, de se lancer à la conquête des marchés qui font rêver ; j’entends bien ces arguments ; et alors ?

Créativement, il est allé vers une facilité qui me met mal à l’aise en travaillant sur de l’empilage de HP, certes en y ajoutant ses petites recettes personnelles.

Le résultat est à la rigueur impressionnant mais pas en place, loin du naturel que les accessoires qui font sa force, sa vitrine et sa réputation savent si bien contribuer à obtenir. Pour autant que je puisse en juger car là encore le niveau sonore est proprement insupportable et le résultat est une vision grossissante de la musique comme dans un de ses miroirs déformants de foire.

A l’arrivée les enceintes ne sont pas très jolies (sauf la compacte qui peut devenir une colonne) et on sent la facilité de surfer sur une mode qui va vite laser : les pavillons circulaires (Cessaro, A Capella, Avantgarde, Wolf von Langa, Tune Audio et j’en oublie).

Mais lui le fait sans grand panache : ses enceintes sont une accumulation de HP (19 dans le plus gros modèle (par côté) sans compter les caissons de grave où il y en a probablement encore au moins 12) montés sur des baffles plans avec flancs latéraux en triangle encore armés de HP dont certains (et alors là je tombe des nues) n’ont pas moteur. Me demande bien l’intérêt. Mais je suppose qu’il y a une bonne raison.

Notre collègue parisien voudra écouter la petite à 5 000 €. Pour essayer de la sauver, je dirai que le produit est moins absurde et caricatural, plus cohérent et que le grave boursouflé et l’équilibre loudness tiennent aux deux cents HP qui ornent la gamme d’enceintes dans la pièce venant bouffer de l’info sur la petite. Elle semble plus cohérente que le totem phallique haut-de-gamme.

Allez, par besoin d’équité, la présentation Stein Music est évidemment loin d’être la plus honteuse du salon, il y a une présence physique et des dimensions de cathédrale qui laissent loin derrière les prétentions de la plupart des idoles de la profession, et somme toute un concert de rap aura toujours plus d’audience que le Philharmonique de Berlin, mais sans doute exige-t-on plus d’hommes tels que Holger qui par ailleurs contribuent à rendre cette profession digne et respectable.

Un faux pas. De géant.


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