ppfff adelaida

ppfff Adelaïda


France, fabriqué en France

Drôle ou exaspérant, je ne saurais qualifier le constat que la vie nous assène parfois, quand par exemple, alors qu’on se complaît à l’idée d’avoir conquis des réponses rassurantes, stables, à une question donnée, on se prend en pleine figure quelques temps plus tard qu’on avait tort.

Quelle vérité est définitive ? - me direz-vous… A l’exception peut-être des « vérités sanctionnées » définies par Bachelard ? Soit, admettons. Ou du dogmatisme ? Définitivement nul et inacceptable.

L’évolution donc ? Les vérités mouvantes ou en progression ?

Oui sans doute.

Drôle ou exaspérant ? ppfff…. C’est drôle ou exaspérant, ça ? Et citer Bachelard alors qu’on n’a pas lu Bachelard depuis… hum… ? ppfff

Le constat vaut bien sûr pour des sujets fondamentaux voire métaphysiques, existentiels, transcendants, mais aussi pour de plus triviaux, des choses du quotidien qui nous rassurent, nous confortent dans des étapes de vie.

Moi par exemple j’avais trouvé, dans ma quête un peu maladive (euphémisme pour « franchement monomaniaque ») de sensations ou agitations musicales, une forme de sérénité avec ADA et AVA de ppfff.

Sérénité. Le mot vous fait sourire me connaissant ? Mmmhhh. Pas faux…

Sachant, pour avoir écouté quelques perles de la reproduction musicale, tels les monstres CessaroAvaton de Tune Audio (en dépit de détails perfectibles) ou encore Vox Olympia de Living Voice, que surpasser mes piouf était possible soit, mais de quoi parlait-on alors ? D’objets dont l’acquisition aligne 5 zéros derrière l’unité, et pour la plupart envahissant quelques mètres-cube d’espace. Or, notre magasin est tout petit. Mon seul problème.

Dans les modèles plus raisonnables, les productions de SoundKaos par exemple nous ont enchantés, c’est vrai. L’intention est la bonne et les objets ont de l’allure. De là à remettre en question ADA, sa narration engagée et sans faille des intentions des musiciens, ou AVA qui, dans un encombrement très logeable et pour un prix encore abordable (euh, j’en vois qui s’étouffent…), réussit la quadrature du cercle : vivifier l’inspiration sensible que l’on réclame à cor et à cri (ça s’écrit comme ça ?) tout en sachant flatter la petite fibre d’audiophile en nous par une capacité au grand spectacle qui, dépourvue de toute finesse, est souvent la seule vertu des ventrus systèmes de la hifi haut de gamme. Je sais, ce n’est pas la première fois que je ronchonne.

Adelaïda, entrée de gamme de « Parangon », ligne luxe de ppfff, est sur le papier une évolution de ADA.

Elle reprend donc les principes de charge et la même base de haut-parleurs que ADA. Même base, mais à l'arrivée cahier des charges différent dois-je préciser cependant.

Ainsi pensions-nous flegmatiquement (pourquoi faire simple ?) pouvoir supposer les progrès de précision ou affirmation d’Adelaïda par rapport à la formidable ADA, d’autant que nous avons déjà livré des versions un peu poussées des ADA, câblées en Tim-Ref d’Absolue Créations (je rappelle que la version base est câblée en Ul-Tim)…

 

Adelaïda donc…

Théoriquement un produit auquel je n’aurai pas accès car prévu pour un marché exotique.

Adelaïda, le vrai nom d’ADA dans le roman éponyme de Vladimir (l’écrivain, pas le dictateur), est un objet que nous avions hâte de découvrir soit, porte-parole étendard d’une marque que nous aimons, supposant, comme écrit plus haut au moins deux fois, que les « améliorations » apportées par les divers points particulièrement poussés qui la différentient de ADA seraient de l’ordre d’un changement de câbles ou de condensateurs de liaison dans un ampli à tubes : perceptible et appréciable mais pas extraordinairement significatif. Exercice où on se dit, en comparaison directe : « ah oui quand même », mais sans entraîner une frustration immédiate.

Eh ben Adelaïda ce n’est pas ça du tout.

L’écart est même violent.

Oui, c’est le mot.

Le bouleversement est profond. Adelaïda revendique une personnalité forte dans l’esprit d’un moniteur d’une intolérance sans équivalent. Sans évidemment rien retirer à ADA à qui on ne voit toujours pas de rivale même bien au-dessus de son prix par sa précision musicale, son intransigeance et sa discrétion qui la fait disparaître au profit de la musique, jamais arrangeante, jamais dérangeante non plus, sauf pour les musiciens médiocres. Ou les hifistes. Vous savez ce que j’en pense.

Je reconnais que je suis un peu mal à l’aise pour exprimer notre ressenti, car ADA avait balayé si loin les ringardises de la hifi que j’avais déballé la panoplie des superlatifs. AVA m’avait ensuite obligé à remonter le seuil.

Et par conséquent, Adelaïda (et Pandora) me mettent à l’épreuve côté vocabulaire, expression et émotions(sss)... Et croyez-moi, ça m’énerve. Ça me vexe. Ça m’humilie. Ça me plait aussi, c’est vrai.

 

Adelaïda reprend les mêmes thèmes que ADA, soit, il y a filiation, soit, il y a une même volonté d’explorer l’histoire musicale, soit…

Soit.

Certes.

Alors comment décrire la sensation qu’on a pourtant affaire à une mutation radicalement divergente tout en appartenant clairement à la même famille, la même approche, la même logique ?

Être le même en étant si différent de celui qu’on était.

Je ne sais pas.

Je ne sais pas, c’est quand même un peu court.

Je sais une chose : je ferais mieux d’arrêter là ; mais vous vous doutez bien que j’en suis incapable.

 

Il y a, par la voix d’Adelaïda, une pertinence musicale qui affirme avec une autorité perturbante : quoi que vous ayez écouté auparavant, vous étiez dans l’erreur. « J’ai raison, en tout point, sur tous les critères » - avertit-elle.

Tout simplement.

Seule Pandora, par une plénitude supérieure, peut rivaliser !!!!! Bon en creusant un écart important quand même bien sûr, mais la parenté est flagrante.

Alors que j’étais personnellement plongé dans les affres du doute (gasp…), inquiet à l’idée de m’embastiller dans une vision intégriste de la perception musicale, les divers individus, habitués ou non, qui ont écouté Adelaïda ont tous eu la même réaction sur des musiques diverses et contradictoires ; d’abord déstabilisés puis secoués, puis suffoqués comme par une révélation.

Non non, je n’exagère pas, le ressenti est de cet ordre.

L’écoute in extenso des morceaux ou opus est un signe qui ne trompe pas : on n’interrompt pas le flot musical.

Au début on est surpris par l’ultra-précision du grave qui définit les matières comme personne, (même dans ma pièce dont le déficit de corps est cruel) diffusant un swing absolu, d’une justesse sur laquelle il n’y a pas l’ombre d’un doute, ancrée bien sûr à une fidélité rythmique folle sur l’étendue sidérante du spectre.

Le swing, ce moteur de la musique si subtil dans ses caprices, ses secrets, ses dandinements mutins et déhanchements lascifs…

Le piqué a quelque chose de surnaturel. Parce que la distance au micro n’est pas celle de l’auditeur à l’instrument en live, sans doute, ce qui avec Adelaïda devient concret. Mais ce pouvoir discriminant s’accompagne heureusement d’un modelé qui évoque la différence entre de très bonnes optiques idéales au banc de mesure et quelques Leica d’anthologie où l’exploration au compte-fil des clichés prouvait une capacité au relief subtil des zones d’ombre, au modelé, qu’aucun concurrent ne savait atteindre. Oui, je devine que les sceptiques seront sceptiques. Mais qui a procédé à ces expériences ? Mmmhhh ?

La rapidité incandescente des transitoires déploie une myriade d’attaques, maintiens et extinctions quasi-infinie, créant des fondations au silence, précisant avec acuité des évolutions de timbres et matières et espaces inattendues au point qu’on redécouvre proprement non pas les disques mais les interprétations via le lien sensible ou cérébral à l’œuvre prenant une dimension quasi-métaphysique ou totalement émotionnelle, liée à sa personnalité, sa propre capacité à accepter le bouleversement.

Là encore, ce refrain vous l’avez lu maintes fois un peu partout ; oui, mais non.

Que ce soit le grandiose « Black Rainbow » de St Vincent pour l’un des auditeurs, où l’intelligence du placement de la voix, sa délicatesse aussi bien que la palette de jeux harmoniques sonores, le grain jamais entendu lors de la grimpée finale et surtout l’incroyable densité dramatique de cette sorte de canon créant une fusion à l’œuvre qui dépasse l’émotion, mènent au sublime, à l’envol.

Que ce soit le « Sacre du Printemps » par Karajan pour un autre, la version enregistrée en une seule prise par le Philharmonique de Berlin en 77, tardive réponse de Karajan bloqué par l’invective de Stravinsky 15 ans plus tôt lui reprochant un « Sacre de salon », où jamais nous n’avions « vécu » la maîtrise supérieure des nuances pastellistes et cadences, des enchaînements acrobatiques nacrés d’une narration supérieure, des jeux sur les accélérations ou ralentissements, les contrecoups de lumières en constante évolution sur les pupitres, l’inconcevable fertilité d’une création qu’on croyait pourtant connaître par cœur où Karajan superpose ou oppose les registres, de la ductilité insidieuse à la barbarie effroyable, sans aucune perte de contrôle, se jetant droit sur tous les écueils pour dévier d’un déhanché de danseur, se sortant de toutes les embrouilles de la partition avec un brio probablement jamais produit dans les quelques 70 versions dont je dispose, et ce quelle que soit ma passion pour les unes ou les autres.

Que ce soit « Requiem pour un Con » pour un troisième larron. Où les pizzicati tournants de guitare rebondissent dans les percussions si célèbres comme un ricochet subtil parfaitement écrit mais si difficile à entendre d’habitude, virgule pointée des percus, un instant de génie qui outrepasse le talent. Et la voix de Gainsbourg, d’une présence inhabituelle, sans aucun artifice.

Etc…

 

C’est très difficile de surmonter « l’expérience » Adelaïda, car autant vous prévenir : on ne baigne pas dans le confort, dans la facilité, mais bel et bien dans l’intransigeance, pour les musiciens à l’évidence, qui ne peuvent rien cacher, rien maquiller, ce qui les rend d’autant plus humains toutefois, car le lien devient celui d’une complicité ou amitié sans concession, mais aussi pour l’auditeur qui, happé par l’écoute, se voit sollicité impérieusement, contraint à participer, vivre, réfléchir peut-être, ou subir les éclats artistiques sans refuge possible dans un flou paresseux.

Mélomanes, vous vous y retrouverez naturellement à condition d’accepter que vous avez pu méjuger bon nombre de vos musiques préférées.

Moins mélomanes, vous pourrez aussi vous laisser prendre, mais votre relation à la musique en sera à jamais bouleversée.

La question peut dès lors se poser : Adelaïda ou AVA ?

Cruel dilemme. Car si l’une enfonce le clou de la maniaquerie mélomane, l’autre ouvre son cœur avec une générosité humble sans aucun semblable qui couve les musiciens d’une bienveillance rigoureuse de préceptrice.

Prêts pour l’expérience ?


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